Rome Républicaine
:|:
Document
Denier de Sextus Pompée avec navire et phare

monnaies | 3e quart du Ier siècle av. J.-C.
Sicile ( Italie )
Monnaie de propagande au profit de Sextus Pompée alors qu’il exerce un blocus sur Rome depuis la Sicile, le message menaçant de l’image sur les deux face est un avertissement clair à l’encontre d’Octave émis au zénith de la puissance de Sextus.
Denier d’argent coulé de 18 mm de diamètre, pesant 3,80 g.
Nom de l’atelier : Sicile
Date : 42-39 av. J.-C.
Recto :
MAG PIVS IMP ITER
Traduction : Magnus Pius Imp(erato Iter(um)
([Pompée] le Grand, pieux, imperator pour la deuxième fois)
Description : Phare de Messine, surmonté d’une statue de Neptune casqué, tenant un trident de la main droite et un gouvernail de la main gauche, plaçant le pied gauche sur un éperon trident ; devant, galère à gauche avec aquila (aigle de la légion) au sommet d’un mat à la proue ; sceptre avec une corde attachée et un trident oblique à la poupe ; autour, inscription.
Bordure perlée.
Verso :
Texte : PRÆF•CLAS•ET•ORÆ•MARIT•EX•S•C autour
Traduction : Praef(ectus) clas(sis) et orae marit(imae) ex s(enatus) c(onsulto).
(Préfet de la flotte et de la côte maritime par décret du Sénat)
Description : Le monstre marin, Scylla, brandissant des deux mains un gouvernail au-dessus de sa tête, ses 3 chiens attachés par une laisse à sa ceinture ; autour, inscription.
Bordure perlée.
Obv. : Pharos (lighthouse) of Messana, atop which statue of Neptune, helmeted, holding trident in r. hand and rudder in l. hand, placing l. foot on prow ; before, ship l., with aquila in prow and scepter with fillet on stern ; around, [MAG.PI]VS.IMP.ITER. Border of dots.
Rev. : Scylla, wielding rudder with both hands ; around, PRAEF.CLA[S.ET.ORAE.]MARIT.EX.S.C (AE, AE and MAR in ligature). Border of dots.
Commentaire :
Sextus Pompée est le fils cadet du grand Pompée. Il a survécu à la bataille de Munda en 45 où son frère Cnaeus trouva la mort. Il continue la lutte et obtient même des succès en Bétique contre Asinius Pollion début 44, ce qui lui permet d’être salué imperator par ses troupes.
Après l’assassinat de César en mars 44, auquel Sextus Pompée n’a pas participé, et sur demande de Lépide, le Sénat Romain le nomme préfet de la flotte de la République et des côtes romaines, et l’autorisa à établir la base militaire de sa flotte puissante à Marseille ! Quatre mois plus tard, à la demande d’octave, le Sénat déclare Sextus Pompée « ennemi public ».
Puis Sextus Pompée prend le contrôle de la Sicile en 43. Il obtient une victoire navale importante contre la flotte d’Octave commandée par Salvidienus en 42 au large du promontoire de Scyllaeum [1]. Il devient maître de la Méditerranée et fut même surnommé le « fils de Neptune ».
Sextus Pompée intercepte alors les navires de ravitaillement de blé à destination de Rome. Il réussit à rassembler une importante flotte et s’empare de la Corse-Sardaigne et de la Sicile en 41 av. J.-C.
Après avoir été écarté du pacte de Brindes, mais Sextus Pompée est intégré au traité de Misène. Une courte trêve est trouvée en 39 et il devient officiellement gouverneur de la Sicile, de la Sardaigne, de la Corse, et de l’Achaïe. Mais les hostilités reprennent l’année suivante. malgré une deuxième victoire sur Octave à Messine, devant le promontoire du Scyllaeum, Sextus Pompée est ensuite battu par Octave et Agrippa lors de la bataille de Nauloque en 36 av. J.-C. Après avoir pris la fuite vers l’Orient, à Milet, il est assassiné l’année suivante en Bithynie, sur l’ordre de Marc Antoine.
Le navire est orienté à gauche, ce qui doit avoir un sens politique. Sur d’autres monnaies Sextus Pompée fait ce choix d’orientation. Son frère Cnaeus avait également fait ce choix. C’est le sens des opposants.
Neptune , orienté à droite au sommet du phare, pose le pied sur un éperon orienté à droite également. Il dispose du symbole de son pouvoir sur la mer : le trident. Et il tient fermement un gouvernail (et non pas une épée) pour montrer qu’il inspire les manoeuvres des timoniers et qu’il est le maître des bateaux sur la mer. Cette posture rappelle celle de Mars sur les aureus des triumvirs après la bataille de Philippes (RRC 494/7b, 494/8b et 494/9b).
Neptune s’appuie sur un éperon orienté à droite. Or les monnayages d’Octave continuaient de présenter des proues à droite. Le message politique est clair : celui qui avait fait le choix des proues à droite a été vaincu par Neptune qui basait sa force sur ses galères orientées à gauche. Donc le vaincu est Octave tandis que tout le monde comprend que Sextus Pompée célèbre sa victoire.
Il ne faut pas se méprendre sur l’originalité de l’iconographie choisie. Les représentations de phares sont rares. Ce denier de Sextus Pompée est le seul de toute la période républicaine à présenter un phare.
Au revers le monstre Scylla présente une dynamique menaçante. Ses trois chiens interviennent devant lui. Il a le regard à gauche, comme s’il surveillait quelque chose qui proviendrait de cette direction, en se déplaçant vers la droite. Il tient un gouvernail de ses deux mains derrière sa tête. Il est prêt à frapper avec ce gouvernail sur tout ceux qui passeraient à sa droite.
Manifestement, l’auteur lance un avertissement aux navires se déplaçant de gauche à droite, c’est à dire aux navire d’Octave qui a choisi de conserver cette orientation dans sa propagande. Scylla déchaine sa fureur ou l’a déjà fait, et il veille sur son espace marin. C’est lui le maître des navires dans sa mer, c’est lui qui se sert des gouvernails pour frapper ses adversaires (les gouvernails symbolisent le navire entier, et la qualité de ses capacités de manoeuvre).
Le message de Sextus Pompée à Octave est clair. Sextus a remporté une victoire grâce à Neptune qui a maîtrisé la manoeuvre, et le monstre Scylla s’apprête à lui détruire ses bateaux s’il tente de s’approcher.
Le navire de guerre présente une rangée de 15 rames (11 visibles et 4 possibles dans l’espace effacé) qui masquent la coque. Sur d’autres exemplaires on en compte 10 ou 13. Elles semblent sortir du bordé juste sous le plat-bord et au-dessus de la préceinte haute. L’épaisseur du trait, surtout à l’extrémité sous la coque, laisse penser à plusieurs rangs de rames.
A la proue, on distingue un éperon trident dans l’axe d’une préceinte épaisse qui passe sous les rames. L’éperon n’est pas dans la continuité de la quille car la coque concave se poursuit au dessous. La quille semble former un support oblique à l’éperon, comme une contrefiche dans une charpente. Ce dispositif permet de répartir la violence du choc de l’éperonnage à l’ensemble du navire.
A mi-hauteur de l’étrave dépasse un proembolon dans la continuité d’une préceinte haute qui passe également sous les rames. Il est décoré d’une tête animale.
Le sommet de l’étrave est surmonté d’un faux-stolos qui protège le pont.
Sur disque est fixé sur la préceinte haute, il représente peut-être un oeil apotropaïque sensé protéger le navire et lui donner vie.
La poupe observe une courbure qui l’élève haut au dessus du pont. Elle permet d’y fixer un aplustre composé d’un disque au dessus duquel 5 branches volent au vent.
Une hampe est fixée verticalement. Une corde ou un ruban est noué au sommet sous la pointe. Souvent interprétée comme un sceptre, il peut s’agir d’une enseigne.
Le trident qui dépasse de la poupe montre que Neptune protège le navire et inspire ses manoeuvres, comme si le dieu était lui-même le timonier.
Le gouvernail est représenté complet, même avec le levier manipulé par le timonier.
Sur le pont on distingue à l’avant une structure composée de 3 piquets verticaux et reliés horizontalement par 3 poutres. Une hampe sert de support à un aigle. Cette structure est clairement disposée à cheval sur un gaillard et devant celui-ci.
Au centre du pont, au dessus du plat-bord, un trait horizontal est difficile à interpréter. Il apparaît sur d’autres exemplaires avec des silhouettes de rameurs. On ne peut affirmer qu’il s’agisse de préférence d’un abris ou du mat rabattu.
Ce navire est peut-être le navire amiral de Sextus Pompée, sans doute un 5, portant les enseignes romaines. Il est la base de la victoire obtenue sur Octave en 42 devant Messine figurée par son phare.
[1] Dion Cassius, XLVIII,18 ; Appien, Guerres civiles, IV, 85
Bibliographie :










