Rome Républicaine
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Document
As de M. Eppius pour A. Pompeius Bithynicus

monnaies | 3e quart du Ier siècle av. J.-C.
Sicile ( Italie )
As de bronze coulé de — mm de diamètre, pesant 12,25 g.
Nom de l’atelier : Sicile
Date : 44-43 av. J.-C.
Recto :
MAGN PIUS / IMP
Traduction : Magn(us) Pius / Imp(erator)
[Pompée] le Grand, Pieux, Imperator
Description : Tête couronnée de Janus
Verso :
Texte : EPPIUS
Traduction : M. Eppius
Description : proue de navire de guerre à droite, marque I devant.
Commentaire :
Sextus Pompée est le fils cadet du grand Pompée. Il a survécu à la bataille de Munda en 45 où son frère Cnaeus trouva la mort. Il continue la lutte et obtient même des succès en Bétique contre Asinius Pollion début 44, ce qui lui permet d’être salué imperator par ses troupes.
Après l’assassinat de César en mars 44, auquel Sextus Pompée n’a pas participé, et sur demande de Lépide, le Sénat Romain le nomme préfet de la flotte de la République et des côtes romaines en avril 43. Six mois plus tard, à la demande d’Octave, le Sénat déclare Sextus Pompée « ennemi public ».
A cette date, A. Pompeius Bithynicus est gouverneur de Sicile. Il était déjà en place quand César a été assassiné. Sextus Pompée vient se réfugier dans l’île après novembre 43. Il en prend le contrôle fin 43 ou début 42. Il obtient une victoire navale importante contre la flotte d’Octave commandée par Salvidienus en 42 au large du promontoire de Scyllaeum [1] et il est à nouveau acclamé imperator. Il devient maître de la Méditerranée et fut même surnommé le « fils de Neptune ».
Sextus Pompée intercepte alors les navires de ravitaillement de blé à destination de Rome. Il réussit à rassembler une importante flotte et s’empare de la Corse-Sardaigne et de la Sicile en 41 av. J.-C.
Après avoir été écarté du pacte de Brindes, mais Sextus Pompée est intégré au traité de Misène. Une courte trêve est trouvée en 39 et il devient officiellement gouverneur de la Sicile, de la Sardaigne, de la Corse, et de l’Achaïe. Mais les hostilités reprennent l’année suivante. malgré une deuxième victoire sur Octave à Messine, devant le promontoire du Scyllaeum, Sextus Pompée est ensuite battu par Octave et Agrippa lors de la bataille de Nauloque en 36 av. J.-C. Après avoir pris la fuite vers l’Orient, à Milet, il est assassiné l’année suivante en Bithynie, sur l’ordre de Marc Antoine.
Datation
Babelon et Crawford proposaient de localiser cette monnaie en Espagne et de la dater d’après Munda. Or elle est extrêmement rare en Espagne [2] alors qu’on la retrouve en Sicile, notamment à 25 exemplaires à Morgantina [3]. Il est alors impossible de l’attribuer à Cn. Pompée [4]. Il est même difficile d’accepter qu’elle ait pu être émise par Sextus Pompée en Espagne e, 45-44 av. J.-C.
C’est pourquoi cette série est désormais plutôt datée de 43 en Sicile. Certains auteurs la rapprochent des monnaies de Q. Nasidius et lui attribuent une origine marseillaise, ce qui me semble impossible.
Par cette monnaie M. Eppius poursuit une propagande pompéiste en valorisant l’image de Pompée le Grand dont on nous indique la titulature. Remarquons qu’il n’est pas fait référence à ses fils Cnaeus ni Sextus, seul point commun avec les deniers de Q. Nasidius.
On ne sait pas grand chose de M. Eppius. Il est peut-être le même sénateur cité à plusieurs reprises par Cicéron et César : M. Eppius M. f., Terentina.
Il est au Sénat le 29 septembre 51 lors de l’adoption d’un décret (senatus consultum) [5]. En février 49, Cicéron indique qu’il se trouve à Minturne, « homme plein d’activité et de ressources » à une époque où la guerre civile commence, opposant César et Pompée. Cicéron et M. Eppius se rangent dans le camp de Pompée qui quitte l’Italie [6].
On le retrouve en Afrique avec Q. Metellus Scipio en 47-46 lorsque les pompéistes se rassemblent et s’opposent à César. A cette époque il est responsable (legatus fisci castrensis) d’une émission monétaire qui représente Hercule et l’Afrique [7]. Il fait partie des hommes graciés par César sur le chemin d’Utique, cité où se sont réfugiés Caton d’Utique, Metellus Scipion, les fils de Pompée, Cnaeus et Sextus et quelques sénateurs [8].
On ne sait rien de lui après cette guerre. Si quelques inscriptions mentionnent des individus portant le même nom, Eppius, en Afrique, en Gaule ou en Italie, aucune ne portent ce gentilice en Espagne ni en Sicile.
Comme les similitudes avec les deniers de Q. Nasidius ont été relevées, j’y applique la même logique. Il n’existe pas de monnayage de Sextus Pompée à Marseille. Si l’émission de cet as est bien sicilienne et de 43 alors elle n’a rien à voir avec lui mais plutôt avec Bithynicus. Cette année-là, en tant que gouverneur, il fait émettre les denier d’argent par Q. Nasidius et les as par M. Eppius, deux sénateurs fidèles à Pompée le Grand.
Après s’être rendu à César, M. Eppius s’est donc rangé derrière un autre pompéiste gracié. Ensemble ils ont géré la Sicile après que César ait nommé Bithynicus gouverneur de l’île. On ne sait ce qu’il devient ensuite mais il ne semble pas avoir fait souche en Sicile. Peut-être a-t-il rejoint l’Afrique où on retrouve son gentilice sur d’autres documents.
Les deux visages de Janus ne sont pas identiques. Celui de gauche paraît plus jeune que celui de droite.
Leur coiffure porte une couronne dont les pointes sont des épis de blé. Il montre ainsi qu’il en dispose en grande quantité. Ce détail milite encore pour un monnayage en Sicile.
Entre les deux visages, un aigle au repos regarde à droite.
Des similitudes évidentes avec CRR 471 ont été notés par les différents auteurs tant dans les thématiques que sur la réalisation.
La proue de navire ne comporte que la coque. Elle est orientée à droite.
Le pont est vide. Il ne comporte aucune structure, ce qui le différencie des autres représentations.
L’éperon est dans l’axe de la quille et d’une étrange ligne oblique qu’on peut interpréter comme une préceinte et qui sert à diffuser l’énergie de l’impact de l’éperonnage vers l’ensemble de la structure.
L’éperon est d’un éperon à trois lames.
Une préceinte haute, horizontale, ne semble pas servir de support à un preombolon. L’étrave est concave comme on le voit rarement sur les navire de guerre de l’époque.
Au dessus, de l’étrave, un robuste stolos est représenté excessivement à l’horizontal. On se demande comment il peut protègee le pont ainsi.
Sur le bordé de la proue, la longue surface rectangulaire devait porter la représentation d’un oeil apotropaïque qui protège le navire.
On se demande s’il s’agit d’un vrai navire de guerre ou si l’auteur de la gravure est à l’origine de cette version surprenante. La faible qualité de la réalisation de ce revers étonne en comparaison de la qualité des visages de l’avers.
Heureusement, d’autres variantes comme celle du British Museum (présentée sur le site lesdioscures.com) présentent une proue avec un stolos en position habituelle.
[1] Dion Cassius, XLVIII,18 ; Appien, Guerres civiles, IV, 85
[2] Villaronga, 1979
[3] Buttrey, 1989
[4] Amela Valverde, 2015, p.102-103
[5] lettre de M. Caecilus Rufus à Cicéron : Cicéron, Familiares, VIII, 8 ; A.C. Johnson, P.R. Coleman-Norton, F.C. Bourne, Ancient Roman Statutes : A Translation with Introduction, Commentary , p.83 ; Amela valverde, 2015, p.97
[6] Cicéron, Correspondance, lettre 340, Ad Atticum, VIII, 13
[7] Crawford, 461 /1 ; legatus flandum curaverunt selon Amela Valverde, 2015, 97
[8] César, Guerre d’Afrique, 89
Bibliographie :







