Syrie - Mésopotamie
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Document
L’étrange navire de Karatepe

sculpture | Fin du VIIIe siècle av. J.-C.
Cilicie ( Turquie )
Ce relief provient de la cité de Karatepe en Turquie, en Cilicie, à une centaine de kilomètres au nord-est de la ville actuelle d’Adana, dans la vallée de la rivière Ceyhan. Le site de Karatepe a été construit vers le IXe siècle ou le VIIIe siècle av. J.-C. (la datation est débattue) par Azatiwatas, roi d’Adana.
Le site fortifié au sommet d’une colline entourée par une puissante muraille (environ 200 sur 400 mètres) comporte 2 puissantes portes au nord et au sud. Les décorations et les inscriptions sont en hittites et en phénicien, sans doute représentatives de la population installée ici.
Parmi les reliefs de la porte nord figure ce navire. La poupe est courbée et s’élève assez haut. Elle se termine par une figure de tête de cheval dirigée vers l’avant comme sur divers document d’époque minoenne (le hiéroglyphe du navire sur le disque de Phaïstos, la bague de Minos, la bague de Mochlos, une intaille minoenne). Le gouvernail est large et rectangulaire. La coque est courbe et la proue se termine par un éperon pointu et large. Un gaillard d’avant permet à un marin de scruter les flots comme pour s’assurer le passage au milieu de hauts fonds (sur un fleuve ? pour accoster sur une plage ?). Une lisse court au sommet du bordé sur toute la longueur du navire. Le mat au centre porte une vergue supportant une voile repliée et à laquelle montent 6 cordages.
L’attitude des personnages est étrange. Celui qui se tient à la proue regarde attentivement l’eau et parait coiffé autrement que les 3 autres (il est chauve ou couvert d’un bonnet). 2 personnages nagent le long de la coque, en sens inverse du navire, et dans un environnement très poissonneux. Ils ont l’air d’être coiffés de longs cheveux maintenus par un bandeau (comme certains personnages des autres reliefs). Le personnage à l’arrière est assis, la main droite levée comme s’il levait un objet, la main gauche sur la cuisse ; très visibles, ses jambes sont croisées, ce qui lui donne un air très détendu. Il semble porté une large barbe, ce qui le différencie des autres représentations de roi dans cette ville. Les 2 autres personnages, au centre, semblent assis sur la lisse avec les jambes en avant dans une attitude également très relaxée. L’ensemble ne correspond pas à une représentation de marins mais plutôt à un instant festif.
Le relief du navire de type phénicien, dans ce contexte, pose question. Surtout la question des relations précises avec les phéniciens. Etaient-ils présents en nombre en Cilicie ? Se cantonnaient-ils à des relations fréquentes passagères ou y avaient-ils élu demeure ?
A moins qu’il ne faille imaginer là une toute autre signification : la représentation pourrait figurer 2 scènes différentes, celle détendue voire festive, et celle de la surveillance des personnages dans l’eau. On pourrait imaginer que les 2 nageurs vont s’emparer du navire en trompant la vigilance du garde. Le navire serait alors une prise de guerre.