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Denier de Q. Nasidius pour A. Pompeius Bithynicus (var.)

réf. : fr.1956.2019 | 18 mars 2019 | par Francis Leveque
monnaies | 3e quart du Ier siècle av. J.-C.
Sicile ( Italie )
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Denier d’argent coulé de 18 mm de diamètre, pesant 3,74 g.

Nom de l’atelier : Sicile

Date : 43 av. J.-C.

Recto :

NEPTUNI
Traduction : Neptune
Description : Tête nue à droite de Pompée le Grand, trident vertical devant le visage, texte derrière et dauphin sous la nuque

Verso :

Texte : Q. NASIDIUS
Traduction : Quintus Nasidius
Description : Galère à droite aux voiles gonflées par le vent. A la poupe, on voit le timonier. Il n’y a pas de capitaine debout sur la proue sur cette variante. Dans le champ, à gauche, une étoile et, à l’exergue, Q Nasidius.

Commentaire :

Lucius Nasidius, père de Quintus, a participé, avec une flotte de seize navires, au soutien maritime que Pompée le Grand, surnommé Neptune depuis sa victoire sur les pirates, a apporté à Marseille pendant le siège de César en 49 av. J.-C. Il arrive pour la 2e bataille navale qui a lieu au large de La Ciotat. Mais il est battu par Brutus qui s’était renforcé de 6 navires pris aux marseillais et de navires construits à Arles. L. Nasidius dirigeait l’aile gauche. On ne sait si les 5 navires coulés par Brutus appartenaient à L. Nasidius. Certains auteurs ont assimilé Quintus, le père, et Lucius, le fils, en estimant que César s’était trompé de prénom [1].
Ensuite, L. Nasidius s’est probablement enfui en Hispanie où il a suivi le destin du parti de Pompée. Mais il n’est plus mentionné dans les sources pendant un moment. On ne sait pas son âge, ni celui de son fils, ni si le fils a accompagné le père.

Sextus Pompée est le fils cadet du grand Pompée. Il a survécu à la bataille de Munda en 45 où son frère Cnaeus trouva la mort. Il continue la lutte et obtient même des succès en Bétique contre Asinius Pollion début 44, ce qui lui permet d’être salué imperator par ses troupes.
Après l’assassinat de César en mars 44, auquel Sextus Pompée n’a pas participé, et sur demande de Lépide, le Sénat Romain le nomme préfet de la flotte de la République et des côtes romaines, et l’autorisa à établir la base militaire de sa flotte puissante à Marseille ! Quatre mois plus tard, à la demande d’octave, le Sénat déclare Sextus Pompée « ennemi public ».

Puis Sextus Pompée prend le contrôle de la Sicile fin 43 ou début 42 en s’imposant sur A. Pompeius Bithynicus. Il obtient une victoire navale importante contre la flotte d’Octave commandée par Salvidienus en 42 au large du promontoire de Scyllaeum [2]. Il devient maître de la Méditerranée et fut même surnommé le « fils de Neptune ».

Sextus Pompée intercepte alors les navires de ravitaillement de blé à destination de Rome. Il réussit à rassembler une importante flotte et s’empare de la Corse-Sardaigne et de la Sicile en 41 av. J.-C.

Après avoir été écarté du pacte de Brindes, mais Sextus Pompée est intégré au traité de Misène. Une courte trêve est trouvée en 39 et il devient officiellement gouverneur de la Sicile, de la Sardaigne, de la Corse, et de l’Achaïe. Mais les hostilités reprennent l’année suivante. malgré une deuxième victoire sur Octave à Messine, devant le promontoire du Scyllaeum, Sextus Pompée est ensuite battu par Octave et Agrippa lors de la bataille de Nauloque en 36 av. J.-C. Après avoir pris la fuite vers l’Orient, à Milet, il est assassiné l’année suivante en Bithynie, sur l’ordre de Marc Antoine.

Q. Nasidius a rejoint Sextus Pompée en Sicile lorsque celui-ci prend le contrôle de l’île. Sans doute commande-t-il une partie de sa flotte. Mais peut-être était-il déjà au service de A. Pompeius Bithynicus dans cette même province.
Puis il accompagne Sextus Pompée en Orient en 36-35 après la défaite [3]. Il rejoignit par la suite les forces de Marc Antoine où il assuma les mêmes fonctions. Il commanda la flotte d’Antoine, qui fut vaincue par Agrippa à Patrae en 31 av. J.-C. avant la bataille décisive d’Actium.

On ne sait pas ce qu’il advint de lui et sa famille par la suite.

L’émission du denier de Q. Nasidius

On a longtemps cru que cette pièce fut alors frappée sous le contrôle de Q. Nasidius à Marseille en 44 [4]. Mais il semble qu’elle soit légèrement plus tardive et émise ailleurs comme nous allons l’avons démontré dans la discussion sur la version principale de ce denier.

Car, si la monnaie avait été émise à Marseille en 44, c’est affirmer que Q. Nasidius est au service de déjà Sextus Pompée et rien ne nous le prouve. De plus il n’aurait disposé que de peu de temps. Et, à cette période on ne comprendrait pas pourquoi le revers représente un combat sur les ponts des galères alors que Sextus Pompée est réintégré dans les fonctions attribuée par le Sénat et sous protection de Lépide.

S. Estiot a comparé les monnaies présentes dans les différents trésors connus et datés. Elle en déduit que les monnaies de Q. Nasidius circulaient avant 38-36, date que leur assigne de nombreux numismates. Elle a montré aussi que les monnaies de Q. Nasidius avaient été émises très tôt, peut-être dès le début de l’année 42, en Sicile, au plus fort de la puissance de Sextus Pompée. Ce denier est très rare mais on le trouve dans quelques trésors qui permettent de le dater avec une quasi certitude.

De nombreuse remarques de bon sens lui font dater cette monnaie de 42 av. J.-C., juste après la prise de la Sicile par Sextus Pompée.

Mais c’est faire trop facilement l’oubli d’autres arguments : rien ne nous dit que Q. Nasidius est déjà au service de Sextus Pompée en 44 et lorsqu’il émet ce denier ; le thème de la naumachie sur un autre denier ; la référence sur l’avers au père, Cn Pompeius Magnus, surnommé Neptune, et non pas à Sextus Pompée ; le gouverneur officiel de la Sicile en 43 A. Pompeius Bithynicus (dont le père a été tué en Egypte en même temps que le Grand Pompée) nommé là par César au moins en 44 ; le navire et le profil de Pompée orientés à droite (les rebelles pompéistes choisissant l’orientation à gauche).
Comme nous avons montré, cette monnaie a été émise en 43 lorsque Q. Nasidius était au servi du gouverneur A. Pompeius Bithynicus.
Lorsque Sextus s’impose il fait interrompre les émissions de Q. Nasidius et il change totalement l’iconographie par ses propres symboles.

Le navire sur la monnaie présente une dynamique bien différente des représentations habituelles. Il est figuré complet alors que l’habitude romaine est de ne montrer que la proue.

Cet exemplaire est une variante intéressante de la série.

La coque est masquée par 12 rames dont les sabords (invisibles) se trouvent sous une ligne horizontale très effacée : une préceinte.

L’avant présente une étrave quasiment masquée par ses composants : 4 pointes désordonnées. Celles-ci appartiennent au proembolon qui servait à percuter, depuis la mi-hauteur de l’étrave, le navire ennemi pour fracasser encore davantage son bordé et désengager la galère après l’impact. Les trois pointes du bas appartiennent à un éperon trident dans le prolongement de la quille.
Au sommet de l’étrave, le stolos a laissé place à une proéminence oblique. A mi-hauteur de l’étrave une tige pointue dépasse. L’homme qui se tient debout sur les autres exemplaires a disparu ici.

La poupe présente une courbure qui la fait remonter très haut. Son sommet est surmonté d’un aplustre dont les branches sont effacées. Le timonier manipule un gouvernail mais on ne voit pas l’axe ni le levier.

Le mat supporte une vergue horizontale. Une corde pend sous la vergue et semble soutenir la voile.
Une voile déployée prend le vent. Elle n’est pas pourvue des renforts, cette voile est lisse. Sous la voile 7 ou 8 traits verticaux donnent l’impression que la voile est déchirée mais il s’agit plus probablement de cordages.
Sous la voile, 7 boules dépassent du plat-bord, sans doute les têtes des marins, à distance régulière. Aucun portique n’est présent sur le pont.


[1César, Bell. Afr., 64,98 ; César, BC, II, 3-7 ; Dion Cassius, LXVII, 56, 3 ; Cicéron, Att., XI, 17A, 3 ; Broughton, t.2, 1952, p. 271, 293 (L. Nasidius) ; t.2, 1952, p. 394, 423 ; t.3 1986, p. 147 (Q. Nasidius) ; Suolahti, p. 267, 328, 345 ; Estiot, p. 126 ; Le Bohec, p.

[2Dion Cassius, XLVIII,18 ; Appien, Guerres civiles, IV, 85

[3Appien, BC, V, 139. Seul le nom est cité, Appien ne nous indique pas le prénom de Nasidius.

[4M.Crawford, RRC, p. 94

           

Bibliographie :

  • B. Woytek, Mag Pius Imp Iter. Die Datierung der sizilischen Münzprägung des Sextus Pompeius, in JNG, vol. XLV
  • E. BABELON, Description historique et chronologique des monnaies de la République romaine (B), Rollin et Feuardent, Paris et Londres , 1885-1886, n° 28
  • H.A. Gruber, Coins of the roman republic in the British Museum (BMC/RR), Londres , 1910, n° 21
  • R.S. Broughton, The Magistrates of the Roman Republic, in Philological monographs , vol. XV, American philological association, New York , 1951-1952
  • E.A Sydenham, The Coinage of the Roman Republic (CRR), Londres , 1952 (réimpr. 1976), n° 1350
  • J. Suolahti, The junior officers of the Roman army in the Republican period [Texte imprimé] : a study on social structure, Suomalainen Tiedeakatemia, Helsinki , 1955
  • M.H. Crawford, Roman Republican Coinage (RRC), Cambridge , 1970, n° 483/2
  • H. A. Seaby, Roman silver coins (RSC) , 1978-1987, n° 20
  • H. Cohen, Description historique des monnaies frappées sous l’Empire Romain Réimpr. de [la 2e éd.] augm. (C), C. Burgan-Maison Florange, Paris , 1995, n° 20
  • D.R. Sear, The history and coinage of the Romans imperators (49-27 BC) (CRI), Spink and Son Ltd, Londres , 1998, n° 235
  • D.R. Sear, Roman coins and their values, the millenium edition (RCV), Spink and Son Ltd, Londres , 2000-2014, n° 1390
  • A. Powell, K. Welch , Sextus Pompeius, Duckworth, Londres , 2002
  • S. Estiot , Sex. pompée, la Sicile et la monnaie. Problème de datation, in Aere perennius : en hommage à Hubert Zehnacker (2003), Presses de l, Paris , 2006
  • Y. Le Bohec, Histoire des guerres Romaines : Milieu du VIIIe siècle avant J.-C. – 410 après J.-C., Tallandier , Paris , 2017
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